Cortega vous emmène à la rencontre d’un DJ ou d’un producteur qui met l’Afrique et sa diaspora à l’honneur. Avec, en bonus, une playlist exclusive de dix sons qui ont façonné son univers musical. Aujourd’hui, bienvenue en Côte d’Ivoire, avec Black Charles.
i vous êtes déjà passé par Babi – petit nom d’Abidjan – vous avez nécessairement dû croiser la route de l’incontournable Black Charles, dj/beatmaker, directeur artistique, co-fondateur et résident de La Sunday, l’événement sensation qui secoue la capitale ivoirienne. Véritable citoyen du monde, le garçon est né au Brésil, vit ses années formatrices aux US et rentre au pays en 2011, après un passage par l’Egypte notamment.
Black Charles a baigné depuis très tôt dans le son, grâce à l’énorme collection de vinyles du papa diplomate, fournie en classiques soul, funk, r&b, mais aussi de musique brésilienne telle que samba et bossa nova. C’est au détour d’un séjour à Babi au début des années 90 que Charles découvre le zouglou, le zoblazo et la naissance du hip-hop ivoirien. Arrivé à New York en 95, en plein clash entre Tupak et Biggie, Charles alors lycéen chope le virus, commence à rapper et monte un collectif qui se taille un nom à coup de mixtapes. « A cette époque je vivais pour le hip-hop. J’ai fait ma thèse d’université sur Tupak Shakur et son engagement sur les droits civiques ». Toujours en quête de sons originaux, il expérimente la production, en puisant ses boucles dans la mine d’or de disques de son père. C’est cette soif de nouveauté qui le pousse à explorer l’underground, dans le hip-hop d’abord, avec des références comme J-Dilla ou Nujabes, glissant doucement vers les profondeurs de la deep house.
Charles rentre au pays en 2011 avec l’ambition de faire carrière dans un label. Les choses ne se passent pas forcément comme prévu. Une discussion avec feu François Konian, fondateur de Radio JAM, légende qui a travaillé avec tous les grands, remettra les pendules à l’heure : « Le vieux m’a complètement recadré (rires). Il me dit : « Tais-toi, c’est moi qui parle, c’est toi qui écoutes. Tu as du talent, tu es passionné et tout, mais en gros tu n’as que deux options. Soit tu commences comme un rat de studio, tu fais le café et on verra ou ça va… Soit tu te formes et tu deviens la référence dans un domaine, le spécialiste incontournable ». Ça a été un électro-choc : j’ai commencé à mixer à partir de là. J’allais en soirée, j’analysais le set des autres DJs en réfléchissant à comment j’aurais fait différemment. J’ai commencé en mixant dans des petits bars, comme le Casting au Vallon, mais tout décolle pour moi quand je rejoins le Bao, comme résident. Ce spot était un vrai hub de l’underground à Abidjan, où la scène, autrement, était dominée par le coupé décalé. »
Après le décès de son père, Charles troque les platines pour le costume-cravate, au ministère des affaires étrangères… sans vraiment s’y épanouir. C’est à cette période qu’il rencontre Jeune Lio, Fayçal et Aziz, ses associés de La Sunday. Le truc commence comme une fête entre potes, au concept store Dozo, mais croit de manière exponentielle, pour devenir la plus grosse soirée ivoirienne, un véritable phénomène. En parallèle, une scène électro se met en place, plus discrètement, avec des soirées comme la Bassline, qui lui font prendre conscience que c’est possible de pousser ces sonorités à Abidjan. « J’ai perdu mes deux parents assez tôt et assez brutalement. Ça a toujours eu un impact sur la manière de mener ma carrière, sans compromis. Je me considère comme un artiste underground, un selecta qui joue bien au-delà du mainstream. Aujourd’hui, je mixe principalement de la house – sachant qu’il y a tellement de house africaine – avec comme défi d’amener les Ivoiriens vers cette musique-là. »
Source : https://pan-african-music.com/