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Le Vodun Sakpata, la divinité « la plus redoutée » chez les Fons du Bénin

Barthel Pandzou

ByBarthel Pandzou

Jan 16, 2023

Les adeptes de cultes Vodun du Bénin ont célébré mardi 10 janvier 2023 la fête annuelle des religions traditionnelles, déclarée chômée et payée dans le pays.

En marge de l’événement, La Croix Africa fait un zoom sur l’une des divinités les plus pratiquées depuis plusieurs siècles, du centre jusqu’au sud du Bénin.

 

Aux côtés d’autres divinités telles que Dan et Lègba, Sakpata est une divinité qui compte un grand nombre d’adeptes au Bénin. Le père Pierre Saulnier, prêtre de la Société des missions africaines (Sma) rapporte qu’une enquête qu’il a effectuée en 1974 à Adjohoun, une ville du Sud-Bénin par exemple, « révèle que les femmes étaient Vodúnsi [adeptes de cultes Vodun/NDLR] dans un pourcentage d’environ 90 % jusqu’aux années 1930, la moitié pour le vodún Dàn, le tiers pour le vodún Sakpatá » (1).

Dans son ouvrage, le missionnaire écrit que le culte en l’honneur de Sakpatá fut introduit en pays fonl’ethnie majoritaire du Sud-Bénin, par le roi Agadja dont le règne sur le Danxomè, la plus puissante monarchie locale à l’époque, se situe au début du XVIIIe siècle. Le professeur Dodji Amouzouvi, sociologue des religions et prêtre de la divinité Sakpata, précise que c’est du pays Nago, une ethnie du centre du Bénin, que cette importation de la divinité Sakpata a été faite.

L’universitaire esquisse une évaluation de la zone de concentration des adeptes de la divinité : « Même si les couvents de Sakpata sont répandus dans toute la partie méridionale du Bénin, la zone du Danxomè [correspondant sensiblement aujourd’hui au plateau d’Abomey/NDLR] reste le foyer ou la religion du Sakpata est plus pratiquée ». Et pour cause : « le nombre couvents de la déité identifiables dans cette zone, la fréquence des cérémonies et la prestance voire beauté dont elle fait l’objet de la part de ses initiés ».

« C’est la divinité la plus redoutée chez les Fons »

Au regard de sa popularité, Sakpata fait l’objet de divers attributs. Des travaux du professeur Paulin Hounsounon-Tolin, l’on peut retenir que « Sakpata est identifié chez les Fons à la terre. Il est le maître de la terre. Or la terre est source de vie. Mais elle peut être aussi source de mort. (…) C’est la divinité la plus redoutée chez les Fons » (2).

Il ajoute que cette terreur qu’inspire la divinité fait que, dans l’usage, d’aucuns s’abstiennent de prononcer son nom en substituant plutôt à celui-ci diverses périphrases : « Il est désigné par Mè (sa majesté), Axossou (chef ou roi), Ayixossou (chef ou roi de la terre) (…), Dokoun-non (richissime) ». La crainte qu’elle inspire dans les esprits est due, selon le père Saulnier, au fait que « Sakpata est généralement appelé le Vodun de la variole et des maladies contagieuses, mais il serait plus exact de l’appeler divinité de la terre : la variole n’étant que la punition infligée par elle aux malfaiteurs et à ceux qui lui ont manqué de respect ».

Au professeur Amouzouvi de renchérir : « Sakpata, c’est le dieu de la richesse mais un dieu qui ne pardonne pas les écarts et c’est le fait que la manifestation de sa punition –marquée par des éruptions cutanées– est rude qui fait dire, à tort, qu’il est le dieu de la variole ».

Fonction sociale et culturelle de Sakpata

Abordant ses fonctions, il estime que « cette divinité a principalement une fonction sociale puisque ses rites et rituels permettent un contrôle, une régulation sociale ». Le professeur ajoute que « cette fonction sociale s’accompagne de fonctions économique, religieuse et culturelle ».

La fonction culturelle de Sakpata est à rechercher semble-t-il dans les impressionnantes parures des initiés de la divinité au cours des cérémonies y afférentes. « Les sakpatasi [adeptes de Sakpata/NDLR] sont vêtus de beaux pagnes, portent une courte jupe, sont ornés de bijoux d’argent, de colliers de perles noires, brunes et de cauris enfilés » lit-on sous la plume du père Saulnier.

Il ajoute que ces initiés portent également « en main des récades et des chasse-mouches en signe de dignité et font entendre des chansons mordantes et satiriques qui font la joie des assistants(…) Ils dansent avec entrain faisant une extraordinaire série de pirouettes rapides suivies de sauts et bonds accompagnés de gestes de défi exprimant leur force et leur puissance ».

Juste Hlannon (à Cotonou)

[1] Pierre Saulnier, Le Vodun Sakpata. Divinité de la terre, Lyon, Éditions de la Société des Missions Africaines, 2002, p.17.

[1] Paulin Hounsounon-Tolin, Éducation et décolonisation culturelle de l’Afrique. Éléments de situations de comparaison entre les Romains de l’Antiquité et les Fons du Bénin, Yaoundé, Éditions CLÉ, 2019, pp.160-161.

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